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Découvrez l'histoire de Jessica.

Dernière mise à jour : 27 avr. 2020


Nous avons découvert Jessica grâce au hashtag #JeSuisVictime qui est apparu sur les réseaux sociaux à la suite de la cérémonie des Césars 2020.






Découvrez avec nous son histoire éprouvante.



- Bonjour Madame, pouvez-vous vous présenter ?


Bonjour, je suis Jessica, j'ai 26 ans et je viens du Lot et Garonne. Je suis écrivain. Ma passion est la littérature.


- Pouvez-vous nous raconter votre histoire ?


J’ai eu une enfance difficile, je n’ai aucun bon souvenir de cette période. Ma mère ne m’aimait pas et me faisait souffrir. Elle m’humiliait. Il lui est arrivé de me forcer à boire du lait dans lequel baignaient des cafards (et ce n’est qu’un exemple des horreurs dont elle est capable). Pendant très longtemps, j’ai refoulé tout ce qu’il m’était arrivé dans mon enfance. A 17 ans, j’ai été agressée par trois hommes à la Porte du Pain, et tous mes souvenirs sont remontés. Mes premiers souvenirs ont commencé avec les attouchements de mon oncle et de quelqu’un d’autre, dont ma mémoire ne veut pas encore se rappeler.

Ma mère avait de nombreux frères et sœurs, et je devais régulièrement dormir avec mon oncle. Lorsque je lui ai dit que cela me dérangeait, elle s’est mise à me frapper. Je me disais alors qu’elle ne me protégerait jamais, et j’ai commencé à préférer mon oncle à elle. Mais je me suis trompée, lui non plus n’allait pas me protéger. J'ai été violée par mon oncle à partir de mes 5 ans, toujours par sodomie pour ne pas laisser de preuves vaginales. En effet, j'étais suivie par la juge des enfants, et bien-sûr je ne parlais pas.

Ensuite, j’ai été placée en famille d'accueil par mon père, à cause des maltraitances infligées par ma mère. Elle souhaitait me voir mourir de ses propres mains... En famille d'accueil, j'étais avec deux autres filles qui étaient handicapées… La famille nous traitait comme des chiens, ils nous attachaient par les bras, suspendues dans la cave, pour nous violer et nous frapper. Parfois, ils nous donnaient des coups de ceinture.

Et puis après, j’ai été envoyée en foyer. De nouveau, j’ai été victime d’attouchements sexuels et de viols par 2 garçons plus grands que moi. Mon père a alors rassuré la juge pour enfants pour que je puisse revenir à la maison. Malheureusement, il nous a abandonnés un an après. La maltraitance a alors repris de plus belle. À 10 ans, je ne voyais quasiment plus mon oncle... Je sais qu’il se faisait discret pour venir sur Agen grâce à Mohamed, un ami à lui et à ma mère. Mohamed m’a invitée dans une cave qu’il avait aménagée… Il m’avait sois disant préparer une surprise. Ce fut la première fois qu’ils me vendaient, me prostituaient. Et c’est également la première fois que j’ai cru en mourir. J’ai essayé de me défendre de toutes mes forces… Ils étaient 8 je crois. Un qui me tenait fort les mains. un autre les jambes. Un troisième me sodomisait violemment, en me tirant les cheveux et en me parlant de choses dégueulasses. Un autre me donnait des claques pendant qu’il me forçait à le sucer… Après l’école, j’étais obligée de satisfaire tous les hommes que l’on m’imposait, qui en plus du sexe, aimaient et avaient besoin de violence. Pour me “motiver”, Mohamed me foutait le visage dans sa pisse, il me faisait faire le chien à quatre pattes avec un truc "sado" dans la bouche, et après il me sodomisait à me faire saigner…

Aujourd’hui, j’habite toujours à quelques kilomètres à peine de mes agresseurs car je n’ai pas les moyens financiers de partir loin d’ici. Je vis avec la peur au ventre, peur de les croiser. Tous ces flashbacks qui me reviennent me détruisent.


- Quelles ont été les répercussions sur votre vie ? Avez-vous traversé des périodes de dépression, envies suicidaires, troubles alimentaires… ?


J’ai souvent voulu que les adultes lisent en moi.. À la maison j’étais soumise, tandis qu’a l’école j’étais insolente avec les adultes, provocatrice. Je poussais les psy qui me suivaient ainsi que les éducateurs, je les rendaient fous. Pourtant, j’espérais au fond de mon être que l’un d’entre eux lise en moi…


J'étais seule, et cela a eu énormément de répercussions. Je ne supportais pas cette douleur, alors je me suis tournée vers la drogue et l’alcool pour oublier. A 10 ans, j’ai commencé à prendre les cachets de Tramadol de mon père, pour oublier la douleur mentale et physique. Je pouvais prendre entre 20 et 40 comprimés par jour. Puis, en grandissant j’ai découvert le cannabis et la cocaïne.

J'ai fait beaucoup de tentatives de suicide, et à 17 ans, j’ai été admise en psychiatrie car je présentais les symptômes d’un Syndrome de Stress Post Traumatique (SSPT) de niveau 2. Pourtant, cet internement ne m’a pas aidée. Les soignants ne pouvaient rien pour moi car le SSPT n’est pas reconnu comme une pathologie et il n’existe pas de traitement. J’ai fait une tentative de suicide à l’hôpital, et la réponse des médecins face à mon appel à l’aide a été de me placer en isolement. J’étais seule et nue dans une pièce, avec un sceau pour mes besoins. C’est pourquoi j’ai décidé de mettre fin à mon suivi psychiatrique.

De la même façon, les suivis avec des psychologues ne m’ont pas aidée du tout. Ils ne sont pas formés pour faire face à de telles situations. Cela fait seulement 4 ans que je me suis enfin confiée à ma psychiatre... Mais même si mon histoire la révolte, elle reste démunie. Je me sentais toujours plus coupable et seule.

Concernant les troubles alimentaires, j’alterne entre phases de boulimie et d’anorexie. Mon poids fait le yoyo, si bien que je peux perdre jusqu’à 70kg en 1 an.

- Comment vous sentiez-vous au moment de ces viols ? Comment cela se passait-il pour la prostitution forcée ? Utilisaient-ils la force ?


Je me sentais morte. Au cours de ces viols, je croyais en mourir définitivement. La prostitution forcée... Je ne sais pas comment le décrire. J'ai essayé de me défendre mais ils me torturaient et m'humiliaient... J'avais beau me débattre et me défendre de toutes forces, je ne faisais pas le poids. Une fillette ne peut pas lutter contre des adultes.


Concernant la prostitution, elle m’a détruite. C'est un viol à chaque client. Juste pour en mourir… Pourtant il y a 4 ans, j'ai recommencé à me prostituer.


- Que vous apporte cette prostitution ?


J’ai recommencé à me prostituer, mais pas pour l'argent. C’était pour me dire que c'était moi qui avais le pouvoir, le contrôle, à la fois sur mon corps mais aussi sur les hommes. Pourtant, mes clients avaient toujours le même comportement violent que dans mon enfance. Je me sentais sale après chaque rendez-vous, comme si j’avais été violée une nouvelle fois. Aujourd’hui, j’ai arrêté.


- Avez-vous déposé plainte ?


Oui j'ai déposé plainte mais on ne m’a pas prise au sérieux…


- Quel a été votre déclic pour déposer plainte ?


Je n’ai pas vraiment eu de déclic, ce sont plutôt les psychologues qui m’ont poussée à porter plainte. Je n’en avais pas forcément l’envie, et je n’ai donc pas réussi à dire tout ce qu’il m’était arrivé.


- Pensez-vous que la justice française aide vraiment les victimes ? Pourquoi ?


La France n'a rien fait pour me sauver alors que je suis à présent sur le point de me tuer… À la suite de mon dépôt de plainte, la police a interrogé ma famille en premier, en tant que témoins, alors que ce sont eux qui me faisaient du mal. De plus, la plainte a très rapidement été classée sans suite pour faute de preuves. Mes antécédents et mon dossier médical n’ont pas été pris en compte dans mon affaire, même si je pense que mon séjour en hôpital psychiatrique à pu me desservir (les autorités ont pu se dire que je mentais).

J’avais une avocate pour m’accompagner, mais elle ne semblait pas vraiment investie dans mon affaire. Je me suis sentie délaissée par la justice. Je ne comprends comment il est possible de laisser une personne dans cette souffrance. Je n’attends plus rien de la justice.


- Quel regard portez-vous sur votre corps aujourd’hui ?


Je déteste mon corps, je me déteste de toute mon âme. Je ne peux même pas me regarder dans un miroir (sauf pour me maquiller). Je ne me regarde jamais en profondeur car cela me fait trop mal.


- Avez-vous eu un suivi psychologique après tout cela ?


Oui, j’ai vu plusieurs psychologues. J’ai aussi fait une demande de prise ne charge auprès du Centre Spécialisé SSPT de Bordeaux, mais ceux-ci ont refusé en prétextant qu’il fallait que la demande soit formulée par un professionnel de santé.

Comme dit précédemment, cela fait seulement 4 ans que j’ai commencé à parler ma psychiatre, le Dr Laffort. Elle m’a beaucoup écoutée et aidée. La Candélie d'Agen m'a épaulée pendant plusieurs années, de nombreux professionnels se sont investis. J'ai fait beaucoup de travail avec l'équipe soignante. Mais pourtant, la candélie où elle travaille a choisi d'abandonner le travail psychologique avec moi... Je les comprends. Ils ne pouvaient pas vraiment m'aider car je mettais toujours une barrière sans même m’en rendre compte. Je me protégeais d’autrui.


Même si ma psychiatre est totalement démunie face à ma situation, elle a conscience de ma détresse et sait que je peux mettre fin à ma vie d’un jour à l’autre. J'ai gardé ce lien avec elle. J’en ai besoin, même si cela n’est pas suffisant vu mon mal-être, c’est de plus en plus difficile à gérer au quotidien. Le Docteur Laffort s'est beaucoup investie afin de m'aider au mieux. Car il faut dire ce qui est,  j'ai quand même avancé grâce à elle. Sans cette rencontre, je me serais tuée et elle le sait. Je lui dois beaucoup.


En plus de mon suivi avec le Dr Laffort, le Dr Calleja s'est également investie en tant que psychiatre depuis quelques années.

J’ai également essayé de très nombreux traitements anti-dépresseurs, mais aucune molécule ne me convient (cela provoque trop d’effets secondaires). J’ai songé à me tourner vers l’hypnose, mais je fais de l’hypervigilance à cause du SSPT, alors cela me terrifie et je préfère ne pas essayer. Aujourd’hui, la seule chose qui me permet un peu d’oublier est le cannabis.


- Comment se passent vos relations amoureuses aujourd’hui ?


Actuellement, je suis en couple avec un homme respectueux, et qui semble beaucoup m’apprécier. Pourtant, nous n’avons toujours pas eu de relations sexuelles. Je sais qu’il en a envie, que ses sentiments le poussent à vouloir me donner plus. Mais je sais aussi que si j’accepte, ça ne sera que pour lui faire plaisir. Je ne prends aucun plaisir, je ne sais pas ce qu’est prendre du plaisir pendant un rapport sexuel.


- Quels sont vos objectifs aujourd’hui ?


J’aimerais que la société change et reconnaisse les violences qui sont infligées à tant de personnes. J’aimerais également être reconnue comme victime, car je pense que cela est important pour ma reconstruction.

J’aimerais également trouver de l’aide, car dans ma région il n’y a pas grand-chose pour les victimes d’agressions sexuelles. Je souhaiterais faire entendre mon histoire et être reconnue en tant que victime. Pour cela, j’écris mon histoire et souhaite la publiée dans un roman nommé « Je n’étais qu’une enfant ».


- Quel(s) conseil(s) donneriez-vous aux victimes qui nous lisent ?


Je leur conseillerais de parler le plus vite possible, ne pas s’enfermer dans le silence. Vous n’êtes pas seules, il y a des gens qui seront prêts à vous écouter.




Nous souhaitons remercier Jessica pour son courage et sa force. Ce témoignage nous a énormément touchées. Vous n'êtes plus seule !


Envie de témoigner ? N'hésitez pas à nous contacter ! :)

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